Elle porte le nom d’une fleur dont le parfum s’intensifie une fois la nuit tombée : Shabboo (giroflée en français). Toujours prête à rendre service, tout le monde la reconnait, mais personne ne la connait. « Tu as besoin d’un nouvel ordinateur ? Est-ce que tu as bien sauvegardé toutes tes données ? Je vais t’aider, donne-moi deux minutes ». Dans les bureaux de la Direction des ressources technologiques (DRT), elle s’affaire à répondre aux besoins technologiques de la communauté laurentienne… On a pris le temps d’en savoir plus sur l’humaine derrière l’employée. Leçon de vie garantie.
Son accent chantant trahit une vie passée à 1 000 lieues d’ici, il y a quelques années. « Je viens d’Iran. J’ai fait un baccalauréat en génie informatique et une maîtrise en gestion là-bas. J’y ai aussi travaillé pendant huit ans », raconte la quadragénaire qui a décidé de quitter son pays natal en profitant du Programme des travailleurs qualifiés du Québec (PRTQ) pour fuir, rien de moins. « J’ai décidé de tout quitter pour vivre en tant que personne libre, plus précisément en tant que femme libre… », lance-t-elle, encore émue aux larmes d’avoir pris la plus grande et plus belle décision de sa vie, malgré la culpabilité de vivre loin des siens. « Je suis arrivée à Montréal à l’été 2017 en raison du conflit en Syrie et de la situation difficile au Moyen-Orient. Mais au-delà de ça, c’est aussi et surtout ma condition que j’ai toujours voulu fuir… J’étais fatiguée d’être une femme iranienne », raconte celle qui a eu le courage de divorcer alors qu’elle vivait encore en Iran.
« On ne quitte jamais complètement le pays d’où on vient, j’y pense encore tous les jours. Il m’arrive même de vouloir y retourner pour être aux côtés de mes parents qui vieillissent. Mais je dois penser à moi, ma vie est ici, je le sais », confie Shabboo, sûre d’elle et fière de pouvoir enfin mener sa vie comme elle l’entend, notamment dans le fait de ne pas vouloir d’enfant. « Je le savais déjà quand je vivais en Iran, mais cette conception de la vie n’existe pas en Iran pour une femme. Je ne sais pas ce que je serais devenue si j’étais restée là-bas. »
Comme la plupart des personnes immigrées, elle a dû relever les défis d’un nouveau départ : apprendre une nouvelle langue, s’adapter à une nouvelle culture et avancer sans le soutien de ses proches.
C’est en février 2020 qu’elle a commencé à tracer son chemin au cégep de Saint-Laurent. « J’ai participé à des cours en ligne pendant un an et demi. En février 2022, j’ai fait mon stage à la DRT, ce qui m’a conduit à mon poste actuel. C’est ma première expérience de travail au Canada et j’en suis vraiment heureuse », raconte Shabboo, parfois gênée (à tort) de son niveau de français. « Il y a 10 ans encore, je ne parlais et n’écrivais que perse ! J’ai dû tout réapprendre pour vivre ici. J’en suis fière. Je suis aussi très reconnaissante de la gentillesse et du soutien de la communauté laurentienne à l’égard de mes compétences linguistiques. Ça fait vraiment une différence au quotidien dans ma pratique de la langue. Je ne me sens pas rejetée. »
Depuis qu’elle vit au Québec, Shabboo prend la vie comme elle vient, sans penser à demain. « Je vis au jour le jour en focalisant sur les choses et les gens que j’aime », confie la Montréalaise qui ne regrette rien de son parcours. « Je n’ai jamais eu peur du changement. Si j’avais eu peur, je n’aurais pas pu divorcer ni immigrer ni être réellement moi-même… Et le plus important pour moi c’était devenir celle que je suis réellement, et de m’aimer telle que je suis. Je pense que j’y suis arrivée ».
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