Joëlle Morosoli, enseignante au département d’Arts visuels, produit des œuvres cinétiques de grandes dimensions soit installatives, soit intégrées à l’architecture. Nous l’avons rencontrée afin qu’elle nous éclaire sur le travail de recherche inhérent à son travail d’artiste.
La recherche de Joëlle Morosoli a pour origine une quête de sens. En effet, tout son travail a pour question de départ : Quelle est la source de l’acte créatif? Afin d’y répondre, l’artiste se dit influencée par différents courants esthétiques et même psychologiques. Par exemple, l’étude des différentes avancées psychanalytiques lui a permis de comprendre que l’acte de créer tire son origine des premières structurations du Moi. Ainsi, l’expression artistique répond à une quête identitaire trouvant sa source dans le développement de l’enfant tel que compris par la psychanalyse. À ses yeux, la créativité est un moyen pour l’être humain de recréer l’objet aimé perdu et d’extérioriser la violence que ce deuil porte en lui.
Mais créer une œuvre artistique implique aussi, nécessairement, de se positionner face à l’histoire des courants artistiques. En ce sens, Joëlle Morosoli a complété une thèse de doctorat intitulée L’installation en mouvement : une esthétique de la violence. Il s’agit d’une recherche théorique dressant un portrait exhaustif des pratiques en arts visuels impliquant le mouvement lié aux notions de contrainte. Par exemple, cette recherche l’a amenée à étudier le courant de l’Art cinétique ayant émergé au XXe siècle. Comme chez les artistes cinétiques, sa recherche esthétique est alimentée constamment par la question : quel est l’apport propre aux œuvres en mouvement vis-à-vis des créations statiques? Elle développe dans sa thèse de doctorat l’hypothèse que le mouvement, lorsque intégrés à une œuvre d’art, permet au spectateur d’entrer en communication avec l’œuvre sans avoir à décoder l’intention artistique et ainsi de ressentir la pulsion de l’acte créatif contrairement aux œuvres statiques qui en gardent la mémoire.
Les œuvres de Joëlle Morosoli se retrouvant dans des salles d’expositions de musées ou de galeries d’art sont des installations cinétiques activées électriquement qui évoluent à un rythme ralenti. Sans interruption, des formes se déploient lentement à partir du sol pour retourner au néant dans un processus cyclique. Alors, le rythme envahit l’espace. Autrement dit, le mouvement permet au spectateur de vivre l’expérience du temps.
En vérité, les sculptures cinétiques de Joëlle Morosoli provoquent, par leur mouvement lent, une gamme d’émotions allant de la sensation d’hésitation, de fascination, de surprise jusqu’au sentiment d’angoisse, de claustration ou d’envahissement. C’est cette impression de contrainte qui est à la source de la recherche artistique de Joëlle Morosoli :
« La pulsion émotive de mon art prend racine dans les sensations de contraintes qui s’expriment par l’envahissement, l’enfermement, le piège. » (L’installation en mouvement : une esthétique de la violence, p. 188).
En effet, à la vue de ces œuvres mouvantes et en déambulant entre les objets animés qui forment l’installation, le spectateur peut avoir l’impression de se trouver piégé dans un espace d’enfermement. En ce sens, l’artiste souhaite, par la disposition de ses œuvres imposantes, réveiller une pulsion de survie, le mouvement étant la première perception vécue par l’être humain à la naissance et étant associé à la possible approche d’un prédateur.
Selon Joëlle Morosoli, tout artiste qui laisse une trace a une signature, et cette signature implique nécessairement de la recherche. Sans celle-ci, pas d’intention artistique. Au contraire, au fil de sa carrière, un artiste doit évoluer à travers une production toujours plus achevée et mieux définie. D’ailleurs, la création artistique implique inévitablement une démarche réfléchie et de longue haleine : création de dessins, croquis, maquettes. Une bonne idée peut émerger après des mois de réflexion dans un processus d’essais-erreurs. La démarche demandée aux étudiants d’Arts visuels lorsqu’ils créent une œuvre est semblable : ils doivent remettre pour fin d’évaluation non seulement l’œuvre finale, mais aussi les croquis et un texte expliquant la démarche artistique sous-tendant leur production et faisant état d’une recherche sur les artistes qui les inspirent.
En bref, contrairement à la vision romantique de l’artiste qui crée en un coup de baguette une œuvre de génie, le processus de recherche de l’artiste est plus généralement continu, exigeant et sinueux, ce qui étonne et est source d’admiration.
Principales réalisations
Joëlle Morosoli compte à son actif plus d’une trentaine d’expositions solos au Québec et au Canada. Elle est à l’origine d’une trentaine d’œuvres publiques, notamment au Palais des Congrès de Gatineau, au Centre Mère-Enfant de Québec et au Centre d’hébergement Roland-Leclerc à Trois-Rivières.
Publications
- L’installation en mouvement : une esthétique de la violence, Éditions Art LeSabord, Trois-Rivières, 2007. (Thèse de doctorat remaniée pour publication.)
- Traînée rouge dans un soleil de lait, Sherbrooke, Éditions Naaman, 1984. (Recueil de poésie.)
- Le Ressac des ombres, Montréal, L’Hexagone, 1988. (Roman.)
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